Si on m’avait dit qu’un jour je deviendrai fermier, j’aurais ri. Pourtant… Ce 14 janvier 2016, ce qui aurait pu s’apparenter à une blague est devenu réalité: me voilà embauché dans une ferme laitière, avec ses +/- 660 vaches. Et quoi de mieux que d’exercer en Nouvelle-Zélande, dans ce pays qui compte plus de 5 millions de vaches laitières et dont la production avoisine les 21,3 milliards de litres (statistiques 2015, par GoDairy!) ?
Retour sur les moments forts de mes 3 mois et 1/2 en tant que milkeur…

Happy Meuuh-thday !
➡Vendredi 15/01, ma 1ère traite de 4h30 à 8h30.
On a tous connu la « peur du réveil qu’on a peur de pas entendre ». Cette nuit-là, j’ai du dormir pas loin de 2h, soit autant que quand j’étais étudiant. C’est après avoir largement compter les minutes (avant le coup de grâce de 3h30) que je me réveille au son de la douce alarme de mon réveil (euphémisme, bien entendu). Ce sera le premier d’une looooongue lignée de réveils, à tenter de sortir de ma léthargie. A ce titre, je souhaiterais que, comme moi, vous respectiez 1min de silence en hommage au… caféier bien sûr ! Bref.
J’apprends, je regarde, je pose des questions. Ca va vite, j’essaie de tenir le rythme mais c’est impossible. Je suis déconcerté. Demain sera un autre jour.

Ô toi, café…
➡Lundi 26/01, la 1ère fois que je fais le « grand washing » en solo.
Il m’aura fallu pas moins de 8jours pour enfin comprendre quelle vanne il faut fermer (ou ouvrir), sur quel bouton il faut appuyer, la quantité de produit à utiliser, la durée moyenne entre chaque lavage, le remplissage des cuves, nettoyage des filtres ET surtout penser à bien fermer l’arrivée des tuyaux dans les cuves (sinon tu jettes $50,000 à la poubelle). Mon immense satisfaction se lit sur mon visage!

Partout, partout, partout…
➡Jeudi 11/02, le jour où tout a basculé…
Aujourd’hui, je pars chercher mon troupeau (environ 300 vaches) dans le champ n°40. Ce qui semblait être une journée « comme les autres » vire au cauchemar: une bonne 40aine de vaches se trouve en dehors du champ, dans une forêt de pins. Le seul moyen pour les faire sortir: les appeler et les pousser. C’est facile, en apparence. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Elles courent de droite à gauche, je les appelle et elles m’ignorent, je finis par leur courir après, je finis par hurler à m’en détruire la gorge, le pompon: je finis par tomber à l’eau. Il est 11h passé, il fait déjà 25°C, je suis trempe et mes bottes sont remplies d’eau…

Bloody paddock n°40 !
➡Mardi 1/03, mes 28ans dans une ferme.
Cette année, c’est sur Oamaru que j’ajoute une année de plus à mon compteur. Ca fait quelque peu bizarre de fêter ça, à plus de 18 000kms de chez soi, loin de sa famille, loin de ses amis… Mais je peux compter sur Russell !

Hawaian burger and chips !
➡Mercredi 16/03, « Les folies bergères fermières ».
Depuis lundi, mon pote Ben m’a rejoint pour expérimenter le travail dans une dairy. L’occasion pour nous de se fendre la poire avec 300 vaches, avec des mamelles en veux-tu en voilà, à éviter des jets de cows poo, à délirer sur une vidéo qui a fait le buzz sur Facebook, à chasser les mouches dans le cottage, et j’en passe… En bref, on est retombé dans l’adolescence et notre insouciance nous a fait du bien !
➡Jeudi 24/03, on change le rythme des traites, pour la 2ème fois.
Après être passé à une alternance des traites sur 2jours/1jour, je n’ai plus désormais qu’une seule traite quotidienne: grosso modo de 8h30 à 12h30. Cela ne change en rien à la traite, c’est juste que plus on avance dans l’année, plus la période des vêlages approche… Spécial poke à Mapy, Céline et Ludo !

Un jour, je s’rai grand !
➡Mardi 12/04, ma première fois dans les crops.
Depuis quelques semaines maintenant, le troupeau de Lynda (dont les vaches sont majoritairement plus âgées) part dans un champ de fodder beet (betteraves fourragères). Pourquoi? Pour tout simplement leur donner un peu plus de vigueur face à l’hiver qui approche… Et autant vous dire, elles en raffolent ! Pour elles, c’est comme des sucreries. Mais comme nous, elles ne doivent pas s’en gaver. Du coup, mon job va être de leur donner tous les jours 4m de plus que la veille, avec clôture électrique et piquets à planter dans un sol plus ou moins caillouteux…

Les addicts de la betterave !
➡Mercredi 13/04, la minute culture avec Lynda.
Depuis pas mal de temps déjà, j’ai vu Lynda traiter les vaches après la traite. Grâce à elle (et à mes nombreuses questions), je sais maintenant qu’il y a:
– celles qui ont des mastites (pour faire court et simple, il s’agit d’une bactérie dans le lait). Pour traiter l’infection, on injecte de la pénicilline dans la mamelle touchée et on s’assure d’un suivi régulier.
– celles qui ne produisent plus de lait (dry cows). On injecte dans toutes les mamelles un produit (j’ai oublié le nom, sorry) pour « bloquer » le lait afin d’éviter toute infection pendant l’hiver.
Après chaque traitement, ces vaches sont désormais séparées du reste du troupeau et sont mises dans un champ à part.
PS: je finirai les 15 derniers jours à traiter les vaches avec Lynda…
- Traitement de la mamelle infectée
- Mise en quarantaine du troupeau
➡Un matin d’avril, la Révélation.
Je me prends d’affection pour une vache, ma « Teddy Bear ». C’est la seule vache de mon troupeau que je peux approcher, que je peux même carresser. C’est fou. Je lui parle même. Elle est toujours la dernière, je la soupçonne même de s’arrêter et d’attendre que je vienne la voir pour qu’elle se décide enfin à bouger. « Teddy Bear », c’est ma copine à moi, en fait ! Autant vous dire, le départ a été un vrai déchirement…
PS: ne vous inquiétez pas, mon état mental se porte à merveille.

Meeeuuuuuh- ‘oi aussi jt’aime !
➡Vendredi 29/04, la création du trombinoscope.
C’est ma dernière journée de boulot à la ferme. J’ai du mal à me dire que demain je ne revois plus mon troupeau, mes vaches avec qui j’ai passé tant de temps (un peu plus de 400h, c’est pas rien !). Je donne mes recommandations à Lynda et lui laisse la lourde tâche de bien s’occuper de mon herd. Mais avant de partir, petit tour dans le champ et présentation de quelques énergumènes !
- « The Devil ». Caractéristiques: couleur noire, elle ne passe pas inaperçu. Ne pas l’approcher, elle crache du feu.
- « Monkey ». Caractéristiques: couleur noire/marron, elle a de petites mamelles (mais ça, tout le monde le sait).
- « Caramel ». Caractéristiques: couleur blanc/marron, l’une des plus charismatiques.
- « Little Snow ». Caractéristiques: couleur blanc/noir, fille de « Snow », une vraie garce.
- « Red ». Caractéristiques: couleur marron sang, c’est la badass de mon troupeau.
- « Teddy Bear ». Caractéristiques: couleur marron/noir, celle pour qui je me suis lié d’affection.
➡Samedi 30/04, une page qui se tourne.
3 mois et 1/2 viennent de s’écouler. Des kms engloutis avec ma voiture, des heures et des heures à écouter RockFM (oui, j’ai des vaches rockeuses☝), des matins gelés aux après-midis suffoquants, des magnifiques levers de soleil aux couchers de soleil époustouflants, des blagues/rires avec Lynda, des moments de doute aux incompréhensions, je suis heureux et fier d’avoir expérimenter quelque chose de nouveau et de si « Nouvelle-Zélande ». J’ai pu appréhender le monde agricole d’un oeil neuf, me rendre compte des difficultés qu’ils rencontrent (oui, c’est loin d’être tout rose) et de l’énorme économie générée par cette industrie.
Une page se tourne, 3mois et 1/2 de ma vie qui resteront gravés, à jamais. Peut-être une révélation, une prise de conscience.
Merci à tous ceux qui ont contribué à ce bonheur !
On se quitte en images avec ces quelques bouts de ma vie…